surf report Lacanau Océan - La Nord (33) du 2014-01-05 14:00:00

Reporter anthropo

anthropo Lacanau Océan Dimanche 5/01/2014. J'ai motivé les forces vives de Sainte Hélène pour m'accompagner à LO. Les autres sont restées au lit.

Je suis chaud bouillant comme la baraque à frites. Mais fatigué. La veille j'ai pris un plaisir comme il y a longtemps je n'ai pas eu à Lacanau Lac.

Prévisions du jour alarmantes : 6m de houle, TF1 et consorts qui en rajoutent.

Pourtant la webcam puis le check sur la plage montrent au pire des vagues de hauteur habituelle. C'est plutôt de la mousse, de la grosse mousse. C'est marée montante. Le vent est Sud Sud ouest.

Rien d'inhabituel à priori. Première tentative, erreur de débutant due à la fatigue de ma session de la veille, je relance mal et je chute dans une mousse de 50 cm de hauteur. Je m'aperçoit alors que le courant est très fort et que la 'vaguelette' a une force phénoménale. Je manque de me noyer tellement je me fais brasser mais je rentre au bord, je récupère et je décide de ne pas me laisser dominer. J'en ai déjà vu d'autres. Je retourne à l'assaut de ces 'danseuses ridicules' (Francis on t'embrasse) qui ressemblent tant aux autres. Faut dire que j'ai treize ans de kite, précédées de 15 ans de planche d'expérience. Je sais que c'est chaud, mais je connais, je maîtrise.

Manque de bol, sur un petit saut (pour pas me choper la vague suivante, on me la fait pas) je réceptionne bien mais la vague que je viens de sauter a une telle puissance que je me retrouve embarqué par son courant.
Mon aile va vite déventer, je relance sur la droite pour me sortir de là et paf ! (non pas pif le chien !) la ligne droite des avants casse (je le vois bien, je la matte mon aile, c'est elle qui va me sortir de là...). La ligne casse près du boudin, vu de 25m, puis part dans un kiteloop frigide et tombe dans l'eau.

Une première vague passe. Une machine à laver en essorage version 1800 t/mn. Je manque de me noyer. Je n'ai pas largué. Une autre, puis une autre vague passent et me trépassent presque. Je suis au large et vu les conditions je devine qu'en combinaison, bridé par mon harnais, mon gilet de protection (pas de flottaison; mais suffisamment pour m'emmerder) je ne pourrais jamais rentrer sans me faire brasser, puis rebrasser, comme ce que je viens à l'instant de survivre.
J'ai toujours un leach de planche. Surtout en mer. J'en ai tellement ramené des planches que je ne me fait pas à l'idée de ne pas en avoir.

A peine le temps de respirer, d'analyser les quelques données que capte mon cerveau déja en manque d'oxygène, et là je vois ma Jaime Pro XL, belle comme jamais, bien alignée entre moi, haletant, et mon aile dont je ne veux pas me séparer, hésitant entre l'extase devant tant de beauté et la situation so délicate. Le destin a décidé pour moi : l'aile (qui est toujours hookée, suivez !) me force à embrasser fougueusement ma planche. Mais dans notre étreinte certes furtive mais tellement intense mon incisive supérieure droite ne résiste pas longtemps.

Je n'ai pas le temps d'avoir peur. Il faut survivre. Les paquets (pas hauts mais hyper puissants) arrivent et me submergent. Le changement c'est maintenant (ou plus jamais) : je vais rester hooké et je vais me servir de ma planche pour rentrer en la mettant devant moi et rester au dessus des mousses.

Bien m'en a pris. J'ai réussi après quelques minutes et beaucoup de séries par dessus mon mal être et beaucoup de remakes du gland bleu, à me rapprocher du bord, reprendre pied, pouvoir larguer mon aile et reprendre mon souffle.

J'ai alors fortement apprécié qu'un membre du KCL (Maki) vienne m'aider, malgré la distance, à récupérer mon aile.

J'ai tout de suite relativisé quand à la perte de mon morceau de dent. J'étais vivant. En plus ma cabrinha 9m2 de 2011 m'a rien eu malgré les essorages multiples qu'elle a subi. Qu'espérer de mieux au final ?

Ma moralité :
- J'ai été trop ambitieux, j'ai négligé la prudence malgré (ou à cause) de 28 ans de planche + kite. J'ai pourtant vérifié et re-vérifié mes lignes, car ça m'était déja arrivé de casser des lignes.
- J'ai confirmé que parfois il était préférable de rester hooké plutôt que de larguer. Je ne serai jamais rentré sinon, trop de bouillon et l'équation combi+gilet+harmais+gros bouillon m'aurait noyé.
- Parfois aussi un leash de planche est utile. Je ne l'aurait pas eu, pas de planche pour m'aider à rester au dessus des mousses et bonjour l'essorage ou la noyade.
- Il ne faut pas en tirer une conclusion. J'aurais peut être largué mon kite ou ma planche dans d'autres conditions. Ou bien hier. Mais peut être je ne vous conterais pas la même histoire, où peut être aussi je ne serait pas là pour vous la raconter. Chaque situation est différente

Finalement c'est peut être ça l'expérience, et alors si je peux vous en faire profiter c'est pour ça que j'apporte mon témoignage. A vous de voir le moment (qui j'espère n'arrivera jamais pour vous) venu.